Jon Stewart : Quand les objectifs divergent
Jon Stewart, connu pour son franc-parler et son sens aigu de l’humour satirique, a récemment partagé ses réflexions sur la fin abrupte de son émission sur Apple TV+, « The Problem With Jon Stewart ». Lors de sa participation aux Albie Awards de la Clooney Foundation for Justice à la New York Public Library le 28 septembre 2023, Stewart a fourni des détails supplémentaires sur les désaccords qui ont marqué la collaboration avec Apple.
Une relation corporative
Lors d’un entretien avec le journaliste Matt Belloni sur le podcast The Town, Stewart a clarifié que l’annulation de son émission n’était pas due à une censure directe de la part d’Apple. « Ils ne m’ont pas censuré, ce n’était pas une question de liberté d’expression, » a-t-il affirmé. Il a expliqué que lorsqu’on travaille pour une grande entreprise, il y a toujours des restrictions implicites. « Le deal, c’est que je peux faire ce que je veux tant que ça ne met pas en danger leurs ventes de bière ou tout ce qu’ils veulent vendre ».
Stewart a révélé que son contrat avec Apple a pris fin en octobre dernier, après des désaccords sur plusieurs sujets sensibles comme la Chine et l’intelligence artificielle. Ces divergences ont été particulièrement apparentes lors d’une interview avec l’économiste Larry Summers, où les discussions sur les profits des grandes entreprises et les taux d’intérêt ont suscité des tensions avec les dirigeants d’Apple.
Un moment révélateur
Pendant le tournage de la deuxième saison de son émission, Stewart a eu l’occasion d’interviewer Larry Summers. L’économie, les profits des entreprises et les taux d’intérêt fédéraux étaient au centre de la conversation. Summers a pointé du doigt qu’Apple lui-même, où l’émission était diffusée, faisait partie de ces grandes corporations. Stewart a répondu que toutes les grandes entreprises exploitent les consommateurs. Cette interaction a reçu une ovation du public, mais a soulevé des préoccupations chez Apple.
« Nous avons diffusé l’interview pour le public, ils ont réagi comme si nous venions de marquer un tir à trois points au buzzer, » se souvient Stewart. Juste après, les cadres d’Apple sont venus dans la loge avec un air préoccupé. « Ils m’ont demandé si j’allais utiliser ce passage avec Summers, » a-t-il raconté. « C’est à ce moment-là que j’ai réalisé que nos objectifs ne s’alignaient en aucun cas. »
La divergence des objectifs
Stewart a expliqué que lui et son équipe cherchaient à produire le contenu le plus perspicace possible, tandis qu’Apple avait une autre agenda à protéger. « Nous essayions de réaliser la meilleure exécution de notre intention, mais eux protégeaient un agenda différent. C’est à ce moment-là que j’ai su que nous étions en difficulté, » a-t-il déclaré.
Il n’y a pas de ressentiment entre Stewart et Apple depuis la fin de « The Problem », mais Stewart a souligné que travailler pour une entreprise comme Apple ou Amazon implique une logique différente. « Les grandes entreprises ne cherchent pas à causer des problèmes. J’ai travaillé chez Comedy Central, et leurs avocats étaient constamment menacés de boycotts publicitaires. Leur marque était la provocation, ce qui était en grande partie positif pour eux. Mais la plupart des entreprises de contenu ne veulent pas de cette fumée, » a-t-il ajouté avec une pointe d’humour.
Une évolution de l’industrie
Belloni a également interrogé Stewart sur les changements que l’industrie du divertissement a connus en gérant du contenu en parallèle avec des préoccupations géopolitiques mondiales. Stewart a répondu avec une touche de sarcasme : « Il y a un mantra que nous devons tous nous rappeler : Les corporations sont des trouillards. »
« Les corporations sont des trouillards. Elles l’ont toujours été. Elles ne cherchent pas à causer des problèmes, » a-t-il martelé. Ce commentaire critique souligne sa vision des entreprises contemporaines, qui évitent les controverses pour protéger leur image et leurs intérêts financiers.
Depuis la fin de son contrat avec Apple, Jon Stewart a rejoint partiellement « The Daily Show », apparaissant une fois par semaine après le départ de Trevor Noah en 2022. Cette transition montre qu’il reste actif et engagé dans le monde de la satire et du commentaire politique.
Une conclusion amère mais réaliste
Stewart a conclu en soulignant que travailler pour une grande entreprise implique souvent de contourner certaines questions pour protéger les intérêts corporatifs, même lorsque l’émission se porte bien. « Si vous travaillez pour une entreprise de contenu, tous les indicateurs de succès étaient présents pour ‘The Problem’. Ils nous ont même dit que nous attirions du monde sur la plateforme, que nous performions bien. Mais c’était toujours, ‘S’il vous plaît, arrêtez de le faire’, » a-t-il déploré.
En fin de compte, Stewart a appris que ses objectifs ne pouvaient pas être alignés avec ceux d’Apple de la manière dont ils l’étaient avec Comedy Central. « Je pense qu’ils ont déterminé que je pouvais leur nuire, » a-t-il conclu.
La fin d’une collaboration
L’histoire de Jon Stewart et Apple TV+ est un exemple frappant des défis auxquels sont confrontés les créateurs de contenu lorsqu’ils travaillent avec de grandes entreprises aux intérêts divers. La quête de Stewart pour produire un contenu perspicace et provocateur a finalement été entravée par des considérations commerciales plus larges. Une réalité qui souligne les tensions entre créativité et intérêts corporatifs dans le paysage médiatique moderne.